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Pluie, poudre et petites révoltes

3 décembre 2008
inondation-venise

Mercredi 3 Décembre 1608,


Mon cher frère,


J’espère que cette lettre te trouvera bien portant et toujours aussi satisfait de ta vie parisienne.

Je dois malheureusement t’informer que notre belle Venise est actuellement en proie aux humeurs atrabilaires de la nature : la place Saint-Marc se retrouve exceptionnellement inondée sous l’effet de l’acqua alta, et je crains que notre cher Doge ne doive abandonner ses parties de plaisir au Palais pour se mouiller les bottes dans les rues de Venise, auprès de la population !

Il a beau dire que ce n’est qu’une tempête dans un verre d’eau, la colère croissante des Vénitiens face à ces conditions extrêmes qui perturbent leur vie risquent bien de se retourner contre lui.

C’est ainsi qu’il a fait appel à son épouse, Carlita Brinusca-Da Ponte, pour venir solennellement en aide aux gondoliers, qu’elle motive à coups de mandoline en chantant de sa voix qui porte (car elle a du coffre) « les gondoles à Venise », ce magnifique air de Ringo Farido et Sheila Afoni, devenus célèbres l’année dernière grâce à leur inoubliable duetto dans l’opéra L’Orféo de Claudio Monteverdi.

Ce drame lyrique fit alors pleurer plus d’un Vénitien. Le Doge et sa femme, en grand amateurs d’art lyrique et en bons Vénitiens, n’hésitent d’ailleurs pas à pousser la chansonnette, entre deux orages.

Malheureusement, dans sa fougue vocale, Carlita fut une fois à l’origine d’un incident diplomatique : le Vice-Roi de Nouvelle Grenade, en tournée officielle à Venise pour promouvoir la poudre à canon de son pays, fut irrité de l’entendre chanter langoureusement à son mari les paroles suivantes, assimilées à de la concurrence déloyale :

« Tu es ma poudre au yeux, plus létale que celle de Perse, et plus dangereuse que la poudre à canons de la Nouvelle Grenade »

tir-canon

En parlant de poudre à canons, j’ai ouï dire qu’en Nouvelle Grenade on était obligé d’utiliser des canons contre les nuages pour provoquer la pluie ?

Nous autres, vénitiens, devrions alors nous considérer heureux dans notre malheur : avec nos talents lyriques et nos conditions atmosphériques nous ne risquons pas de mourir de soif !

Et quand bien même ce serait le cas, avec notre « poudre aux yeux » dogéale, nous ne nous en apercevrions même pas !

Fabio Lauresti, visitant les digues installées sur la lagune