Lundi 23 Mars 1608,
Ma chère Lucia,
Venise se réveille enfin de sa torpeur hivernale et c’est avec grand plaisir que j’ai pu constater aujourd’hui que ses anges et dragons de pierre reprenaient petit à petit vie sous les rayons du soleil printanier.
Quant au lion ailé de Saint Marc, je ne serais pas surpris qu’il se mette lui aussi à rugir d’aise en cette douce saison !
Que tout cela contraste avec l’ambiance qui règne au palais des Doges !
Notre Doge, Nicolo Da Ponte, n’a en effet pas trouvé d’autre moyen de se mettre (enfin) au diapason de son peuple que de devenir aussi maussade que lui !
Il s’est mis récemment à faire des cauchemars la nuit et même durant sa courte sieste quotidienne de cinq minutes.
Figurez-vous qu’il rêve que le peuple de Venise lui coupe la tête, ainsi qu’à Carlita Brunesca, et qu’on les fait valser élégamment en rythme au bout de piques, son épouse continuant malgré tout à pousser la chansonnette !
Il a fait venir exprès de Paris le célèbre devin nécromancien Nostramincus pour essayer de comprendre la signification de tout cela et de conjurer le mauvais sort.
Etrange personnage que ce Nostramincus.
Il a demandé à s’isoler, avec quelques sacs bien remplis de sequins (il prétend que leur son le met en transe) dans la Salle du Miroir aux Alouettes, d’où nous sont parvenues, quelques jours plus tard d’une voix venue de l’au-delà, ses prophéties dont voici quelques extraits :
Centurie I
Grondement populiste de la lagune montera, rancœur des aigris à lame de fond ressemblera, et d’iniquité soudaine Cité de l’eau frappée se sentira.
Centurie III
1609 dans les eaux lacustres en 1789 se réfléchira, et Da Mondialus ricanera.
Centurie VI
Epouse d’un Grand Roi Fainéant honorée et émue sera, et par sa collecte de piécettes jaunes jacqueries contiendra.
Centurie IX
Dangereux populiste derrière armée de masques émergera, et du maître de la Cité de l’eau l’ennemi se fera.
A tous vents, sa parole flèches dans oreilles sifflantes du prince lancera.
Vert rameau d’Olivier pour un moment gauches moucherons chassera, mais piège trop subtil lentement se retournera.
Centurie XX
Montagne de sequins dilapidés la perte apportera, petit tas de sequins distribués les ventres trompera.
Quand peuple de l’eau plus d’argent dans ses bourses aura, le temps des peines et des paroles vaines viendra.
Centurie XXII
Prince bien trop hautain quand son peuple fulminera, un grand prophète près de lui pour ses centuries appellera. Par ses grandes œuvres de divination ses poches gonflera et les têtes à collerettes grandement se paiera.
Qu’en pensez-vous, chère amie ?
Fabio Lauresti